Dans un courrier envoyé au ministre du logement le 13 mai dernier, le député réunionnais Philippe Naillet et trois de ses homologues demandaient que soit appliqué dans les territoires ultramarins le dispositif d’encadrement des loyers privés pour faire face à une situation préoccupante de tension du marché locatif et d’évolution des prix des loyers. 

« J’ai moi-même écrit la semaine dernière au Ministre du logement, pour l’interpeller sur l’encadrement des loyers du privé dans les Outre-mer notamment ici, à La Réunion, où 9 communes ont été reconnues zones tendues » twittait le 18 mai le député (Socialistes et apparentés) de la Réunion Philippe Naillet au sortir d’une réunion de la Confédération Nationale du Logement au sujet du projet de loi sur le logement abordable qui a été suivie d’une conférence de presse sur la création d’une commission d’enquête sur l’indécence du logement social dans les départements et régions d’Outre-mer.

Encadrer les loyers privés dans les Outre-mer, c’est en effet la demande de plusieurs députés, formulée dans un courrier adressé au ministre en charge du Logement Guillaume Kasbarian, le 13 mai dernier. Outre Philippe Naillet, Iñaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantiques, Johnny Hajjar, député de la Martinique et Élie Califer, député de la Guadeloupe signaient cette lettre qui débutait ainsi : « Notre attention a été appelée par la non-application du dispositif relatif à l’expérimentation d’encadrement des loyers privés dans les territoires ultramarins ».  

Les députés qualifiaient ensuite la tension sur le marché locatif dans les départements et régions des Outre-mer (DROM) et l’évolution du niveau des loyers de « très préoccupantes ». Ils soulignaient d’abord que la proportion de locataires est particulièrement plus importante dans les DROM que dans l’Hexagone. « Elle est de 40% pour les habitants dans l’Hexagone 54,7 % en Guadeloupe 49,6 % en Guyane et 45,4 % à La Réunion » indiquaient-ils.

Ils ajoutaient par ailleurs que les loyers sont particulièrement élevés dans ces territoires et mentionnaient l’avoir rappelé à l’occasion de l’examen de la mission Outre-mer du projet de loi de finances pour 2024. « Les prix sont comparables aux grandes métropoles régionales de l’Hexagone et sont souvent supérieurs à des villes soumises aujourd’hui à l’expérimentation de l’encadrement des loyers privés » constataient-ils.

Et de déplorer qu’alors que la plupart des DROM souffrent de cette tension locative depuis de nombreuses années, la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui instaurait à titre expérimental dans les zones dites « tendues » cet encadrement des loyers privés, excluait ces mêmes territoires à une candidature dont la date limite était fixée à fin 2022. « Il est ainsi particulièrement injuste que nos collectivités d’Outre-mer aient été privées de l’expérimentation de l’encadrement des loyers sur leur territoire pour la seule et unique raison que leur intégration parmi les territoires éligibles, n’ait pas été actée à temps » considéraient-ils.

« Le décret n° 2023-822 paru le 25 août 2023 a depuis identifié 9 communes de La Réunion dont les 3 communes du Territoire de l’Ouest (TO). Comme d’autres territoires, le TO à La Réunion a pourtant exprimé son grand intérêt pour ce dispositif. Ainsi, le Programme local de l’Habitat adopté le 12 décembre 2019 prévoyait dans l’action n° 8.4 de son orientation n° 3, l’expérimentation de l’encadrement des loyers privés » poursuivaient les députés.

La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane comptent également plusieurs communes en zone tendue. Il s’agit de Baie-Mahault, du Lamentin, du Gosier, du Moule, des Abymes, de Morne-à-l’Eau, de Petit-Bourg, de Petit-Canal, de Pointe-à-Pitre, de Saint-François et de Sainte-Anne pour la Guadeloupe. Mais aussi de Case-Pilote, Ducos, Fort-de-France, Gros-Morne, Le François, Le Marin, Le Robert, Le Vauclin, Rivière-Pilote, Rivière-Salée, Saint-Esprit, Saint-Joseph, Sainte-Anne, Sainte-Luce et Schœlcher pour la Martinique. Et enfin de Cayenne, Matoury et Remire-Montjoly pour la Guyane.

L’encadrement des loyers privés

Les députés concluaient donc leur courrier en exprimant leur souhait que soit ouvert aux territoires ultramarins qui en feraient la demande durant les prochains mois, le dispositif d’encadrement des loyers privés.

Pour rappel, et comme expliqué sur le site Service Public, l‘encadrement des loyers pose une limite au loyer que fixe le propriétaire lors de la mise en location d’un logement, loué avec un bail d’habitation (y compris bail mobilité). L’encadrement des loyers s’applique dans les communes situées en zone tendue, c’est-à-dire les communes où le nombre de logements proposés à la location est très inférieur au nombre de personnes qui veulent devenir locataire d’un logement, pour en faire leur résidence principale.

Le site du gouvernement liste ainsi deux types d’encadrement des loyers. Le premier concerne les règles qui s’appliquent dans la plupart des communes en zone tendue. Le deuxième est quant à lui relatif aux règles spécifiques (notamment le complément de loyer, les loyers de référence minoré et majoré) qui s’appliquent à Paris, Bordeaux, Est Ensemble, Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville, Lille, Hellemmes et Lomme, Lyon et Villeurbanne, Montpellier, Plaine commune, Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains, Villetaneuse.. S’il ne respecte pas ces règles, le propriétaire (ou son représentant) peut devoir payer une amende allant jusqu’à 5 000 € (ou 15 000 € s’il s’agit d’une personne morale).

Les règles appliquées en zone tendue

Même s’ils sont situés dans les communes en zone tendue, tous les logements ne sont pas concernés par l’encadrement des loyers. Les logements soumis à la loi de 1948 par exemple ne font pas partie de ceux qui sont concernés. Il s’agit de logements construits avant le 1er septembre 1948 dans certaines communes de plus de 10 000 habitants ou à proximité de ces communes et dans lesquels le locataire est entré dans les lieux avant le 23 décembre 1986. Sont soumis également à d’autres règles que celles de l’encadrement des loyers, les logements conventionnés par l’Agence nationale de l’habitat (hors conventions à loyer intermédiaire), les logements sociaux (HLM), les meublés de tourisme et les sous-locations.

Comment fonctionne donc l’encadrement des loyers privés ? Dans les communes situées en zone tendue, pour la première mise en location, le propriétaire peut fixer librement le montant du loyer qu’il souhaite appliquer, qu’il s’agisse d’un logement vide ou meublé. Il pourra le réviser une fois par an si une clause du bail le prévoit.

Il est à noter qu’en métropole, lorsque le bail est signé, renouvelé ou tacitement reconduit depuis le 24 août 2022, et qu’il concerne un logement classé F ou G (classement indiqué sur le DPE: DPE : Diagnostic de performance énergétique), il est interdit d’en réviser le loyer. En Guadeloupe, Martinique, Guyane, à La Réunion et Mayotte, lorsque le bail est signé, renouvelé ou tacitement reconduit après le 1er juillet 2024, et qu’il concerne un logement classé F ou G (classement indiqué sur le DPE : DPE : Diagnostic de performance énergétique), il est interdit d’en réviser le loyer.

Lors du renouvellement du bail, si le loyer est manifestement sous-évalué, le propriétaire peut proposer au locataire un nouveau loyer plus élevé, à certaines conditions et en respectant certaines règles. Pour une nouvelle mise en location après dix-huit mois d’inoccupation, le montant du loyer appliqué au dernier locataire doit figurer dans le bail. Le propriétaire peut augmenter ce loyer dans certains cas seulement pour lesquelles la date de signature du bail est déterminante.


Les plafonds de la loi Pinel Outremer 2024

S’il existe des avantages fiscaux ultramarins pour les investissements situés dans les Départements et Régions d’outre-mer, et Collectivités d’outre-mer (DROM-COM), ceux-ci s’accompagnent de nombreuses conditions et obligations avec la loi Pinel Outre-Mer (Plafond de surface pondérée ; Délai de construction ; Plafond de revient à 5500 € par mètre carré, Plafond du nombre de logement ; Plafond de Défiscalisation Pinel Outremer limité à 300 000 €…). Comme le rappelle le site Ora Défiscalisation, parmi les multiples engagements que prend l’investisseur dans les outre-mer, il y a l’obligation de louer le bien immobilier pour une période minimum de 6 ans (potentiellement renouvelable 2 fois 3 ans). En outre, les loyers sont plafonnés et les locataires soumis à des plafonds de revenus.

D’autre part, pour bénéficier de la totalité des réductions d’impôts du régime pinel outremer, le législateur a tenu à plafonner les loyers que peut percevoir un investisseur propriétaire-bailleur dans les territoires ultramarins et à soumettre les locataires à des plafonds de revenus. Plus la taille du logement est petite et réduite, plus le taux du plafond de loyer sera élevé. Ainsi pour la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte et Saint-Martin, le plafond de loyer mensuel pour les baux conclus en 2024 est de 10,73 euros le m2. Quant au plafond de ressources du locataire dans ces territoires, il est de 29 079 euros pour une personne seule, 38 834 euros pour un couple, 46 700 euros pour une personne seule ou un couple avec enfant… Ces plafonds sont révisés annuellement.