Malgré la situation chaotique en Haïti, les préfectures de Guadeloupe et de Guyane continuent d’expulser des personnes vers ce pays en crise, ce en dépit de la suspension systématique des expulsions par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) depuis décembre 2023, pour les personnes qui la saisissent. La Cimade qui dénonce ces pratiques a récemment publié plusieurs articles sur son site pour alerter sur la situation.

Monsieur B., ressortissant haïtien, est enfermé pendant 18 jours au Centre de rétention administrative (CRA) de Guyane où il redemande un réexamen de sa demande d’asile, rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). “Il est informé qu’il va être transféré au CRA de Guadeloupe le soir même et qu’il doit embarquer sur un vol à destination d’Haïti le lendemain. Le lundi matin, la CEDH est saisie en urgence. Quelques instants avant le décollage, elle suspend in extremis l’expulsion de M.B., qui se trouvait déjà sur le tarmac de l’aéroport. Il est ramené au CRA de Guadeloupe, puis au CRA de Guyane le lendemain”, raconte la Cimade sur son site.

Il semblerait que cinq autres personnes haïtiennes, résidant à Saint-Martin et en Guadeloupe, n’ont pas eu la même chance et auraient embarqué sur ce vol pour être expulsées. Dans un autre article datant de fin juillet, l’association raconte l’histoire de Pierre (prénom modifié), arrivé en France en 1993 pour ses études, installé en Guadeloupe depuis 1995, il a deux enfants français, aujourd’hui majeurs. “Titulaire d’un titre de séjour il n’a pas pu en obtenir le renouvellement en raison du nombre de justificatifs toujours plus importants demandés par la préfecture”. Après plusieurs mois d’assignation à résidence, Pierre est expulsé le 21 juillet à Port-au-Prince, “ville qu’il ne connait plus et qui est gangrénée par la violence des gangs et l’insécurité”, peut-on lire. “Sa demande d’asile est toujours pendante et ses craintes en cas de retour n’ont pas été étudiées par la CNDA”, indiquait la Cimade dans un article datant du 26 juillet.

“Ce mois de septembre semble avoir été marqué par de nouvelles expulsions vers Haïti”, dénonce la Cimade. “S’affranchissant des positions des organisations internationales, qui appellent depuis de nombreux mois à l’arrêt des expulsions vers Haïti, ainsi que de la jurisprudence de la CEDH et de la CNDA, les préfectures de Guadeloupe et de Guyane continuent d’enfermer, d’assigner à résidence et d’expulser des ressortissant.e.s haïtien.ne.s, au péril de leur vie”, pointe l’association. En 2023, sur 352 personnes placées dans le CRA de Guadeloupe, 127 d’entre-elles étaient ressortissantes haïtiennes. 183 personnes ont été éloignées d’après les chiffres de cinq associations. Au CRA de Guyane, sur 1.417 personnes placées, 588 étaient ressortissantes haïtiennes, en tout 468 personnes ont été éloignées l’an dernier.

Depuis décembre 2023, “la CEDH lorsqu’elle est saisie, suspend systématiquement les expulsions en raison de la situation de violence généralisée et la CNDA octroie fréquemment une protection aux ressortissant.e.s haïtien.ne.s victimes de ce conflit qu’elle a qualifié de « conflit armé interne d’intensité exceptionnelle ». Depuis quelques semaines, les juridictions guadeloupéennes se sont enfin saisies de cette question et rendent systématiquement des décisions favorables aux personnes haïtiennes, permettant d’éviter leur expulsion”, dénonce la Cimade.